Un salarié protégé ne peut abusivement tarder à solliciter sa réintégration, sauf à voir limité drastiquement son droit à indemnisation.


Droit social individuel et collectif

On sait qu’un représentant du personnel licencié bénéficie d’un droit à réintégration et/ou à indemnisation en cas de violation de son statut protecteur, c’est-à-dire en cas de rupture de son contrat de travail sans autorisation administrative ou intervenue en dépit d’un refus d’autorisation.

Dans une telle hypothèse, le salarié protégé licencié en violation du statut protecteur, qui demande sa réintégration, a droit au versement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait perçue entre son licenciement et ladite réintégration, sous réserve qu’il ait sollicité celle-ci avant l’expiration de la période de protection.

Tel est également le cas lorsque la demande de réintégration du salarié protégé est formulée après l’expiration de la période de protection mais que cette tardiveté ne lui est pas imputable, plus précisément parce que le licenciement à la fin, voire après l’expiration de la période de protection.

On sait aussi qu’aucun délai n’étant imparti au salarié protégé licencié sans autorisation, pour demander sa réintégration, cette demande peut donc être formée plusieurs années après son licenciement prononcé en violation du statut protecteur, ce qui peut lui donner droit à une indemnisation représentant plusieurs années de salaire.

Encore convient-il d’éviter l’abus qui consisterait, pour un salarié protégé, à former sa demande tardivement afin d’augmenter artificiellement son préjudice.Dans un arrêt du 26 mars 2013, la Cour de Cassation avait constaté le caractère abusif d’une demande de réintégration formée pour la première fois en appel, quatre ans après l’expiration du délai de protection.

Dans cette espèce, le salarié faisait grief à la Cour d’Appel d’avoir limité l’indemnité allouée au titre de la violation de son statut protecteur en condamnant l’employeur à lui verser une somme représentant son salaire pour la période écoulée non pas à compter de son éviction, mais seulement à compter de sa demande, formée dans ses conclusions d’appel, et ce jusqu’à parfaite réintégration.

La Cour, relevant que le salarié avait attendu plus de quatre années après l’expiration de la période de protection pour demander sa réintégration ainsi qu’une indemnisation courant à compter de la date de son éviction de l’entreprise, sans pouvoir justifier de ce délai, a considéré que la Cour d’Appel avait ainsi caractérisé un abus dans l’exercice de ce droit à indemnisation et, à juste titre,limité celle-ci (Cass. Soc. 26 mars 2013 n°11-27964).

Aujourd’hui, et par un nouvel arrêt du 7 novembre 2018, la Cour de Cassation a franchi une nouvelle étape en prenant une décision de principe fixant clairement le montant à retenir en cas de demande de réintégration abusivement tardive.

Dans cette nouvelle espèce, le salarié ne pouvait, par hypothèse, former sa demande de réintégration qu’après l’expiration de sa période de protection, puisque celle-ci était déjà expirée le jour de son licenciement (rappelons à cet égard que c’est à la date de la convocation à l’entretien préalable que l’on se place pour déterminer si un salarié est protégé, ce qui était le cas de ce salarié, encore protégé lors de l’entretien préalable mais plus à la date de son licenciement).

La Cour d’Appel avait limité l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur au motif que le salarié n’expliquait pas les raisons qui ne lui auraient pas été imputables, pour lesquelles il avait attendu quatre années après son licenciement, pour solliciter sa réintégration, et considéré qu’en conséquence, il ne pouvait prétendre qu’à une indemnisation égale à la rémunération due entre la date de réception de la convocation à l’entretien préalable et la date de l’expiration de sa protection.La Cour de Cassation, relevant que la demande de réintégration avait été formulée après l’expiration de la période de protection pour des motifs non imputables au salarié, mais que celui-ci avait abusivement tardé à demander sa réintégration postérieurement à l’expiration de la période de protection, a au contraire estimé que le salarié était en droit de percevoir la rémunération dont il aurait bénéficié de la date de sa demande de réintégration jusqu’à sa réintégration effective.

La haute juridiction a ainsi posé clairement une règle générale : en cas d’abus du salarié, sera prise en compte comme point de départ de l’indemnisation du salarié non pas la date de son éviction mais celle de sa demande, ce qui change tout (Cass. Soc. 7 novembre 2018 n°17-14716).