Dans une décision définitive rendue le 16 janvier 2025 (1), le vice-président du Tribunal judiciaire de Paris entérine l’application, en faveur des dirigeants assurés, d’une clause contractuelle fréquente relative à l’indemnisation de leurs frais de défense. Grâce à cette clause, le dirigeant assuré bénéficie de l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, quand bien même l’assureur a financé le procès.
En l’espèce, une société avait souscrit auprès d’une compagnie un contrat d’assurance de responsabilité des dirigeants. Si le débat continue sur la question de savoir s’il est possible d’assurer ou pas les amendes pénales et administratives (2), rien n’empêche l’assureur de prendre en charges les frais de défense dans le cadre de procédures pénales et civiles.
Ce fut le cas dans l’ordonnance de référé de 2025 : la compagnie avait assumé les frais d’avocat de l’assuré dans le cadre de sa défense pénale. Le dirigeant de la société assurée avait été accusé d’abord d’abus de biens sociaux, pour lesquels il fut relaxé une première fois (3); puis attaqué pour faute de gestion. Il fut là encore relaxé définitivement, l’assureur ayant indemnisé des frais dépassant les 500.000€.
L’assureur a demandé la restitution des sommes versées pour la défense de l’assuré, mais également le remboursement de l’indemnité perçue par l’assuré au titre de l’article 700. En effet, si le jugement (4) a relaxé le dirigeant, il a également condamné les demandeurs à lui verser la somme de 100.000€ – c’est cette somme dont l’assureur demande la restitution.
1°) L’assureur invoque tout d’abord la subrogation légale, estimant que l’assuré ayant payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré (…) (5). Implicitement, l’assureur considère que le créancier détient une créance de responsabilité à l’égard de la société et peut donc se subroger dans ses droits.
2°) Il argue ensuite – à titre subsidiaire – l’enrichissement sans cause de l’assuré et la répétition de l’indu.
L’assureur ne réclame pas le remboursement des frais de défense, mais la restitution de la somme versée au dirigeant à ce titre – une somme correspondant à des frais qu’il n’a pas réglés personnellement, et qui, selon l’assureur, ne devraient donc pas lui revenir au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’assuré, quant à lui :
1°) a fait valoir qu’il n’était pas titulaire d’une créance à l’encontre du responsable ; la somme qui lui a été versée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile n’est pas une créance de responsabilité à l’égard de la société.
2°) surtout, il a invoqué la clause n° 8 du contrat d’assurance stipulant en des termes clairs et explicites que :
« Les frais de défense et les frais annexes réglés par l’assureur ne font pas l’objet d’un remboursement par l’assuré dans la mesure où la réclamation fondée sur la faute alléguée susceptible d’être couverte au titre du présent contrat donne lieu :
Cette clause figure dans un nombre assez fréquent de contrats d’assurance de responsabilité civile des mandataires sociaux.
Après avoir rappelé les fondements juridiques de la subrogation (6), de la répétition de l’indu (7) et de l’enrichissement injustifié (8), le vice-président du tribunal judiciaire de Paris rappelle la clause 1.2. du contrat qui a « pour objet le remboursement de la société souscriptrice [et des assurés] des frais de défense » en cas de mise en jeu sa responsabilité civile commise dans l’exercice de ses fonctions de dirigeant ; et il écarte la subrogation au bénéfice de l’assureur.
L’ordonnance conclut :
Le bénéfice de cette indemnisation au titre de l’article 700, à tout le moins dans les contrats d’assurance incluant cette clause, reste donc acquis au dirigeant assuré. Cette décision de justice est définitive.
(1) Lien de la décision / Références : TJ de Paris, 16 janvier 2025, N° RG 24/56312
(2) L’ACPR a, le 18 mars 2025 rappelé que les sanctions pécuniaires prononcées par une autorité administrative étaient inassurables. Même si l’on peut estimer que la question n’est pas tranchée en raison des arrêts flous rendus par la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 14 juin 2012, n° 11-17.367 et Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 17-26.171)
(3) Tribunal correctionnel de Paris, 25 juin 2014
(4) Tribunal de commerce de Paris, 05 avril 2019
(5) Article L. 121-12 du Code des assurances
(6) Article L. 121-12 du Code des assurances
(7) Article 1302-1 du Code civil
(8) Article 1303 du Code civil